La copropriété 2.0 aux Etats généraux

La copropriété 2.0 fût un des thèmes traités à la deuxième édition des Etats généraux de la copropriété qui s’est tenue ce 30 juin 2016 à PARIS, organisée de mains de maitre ou plus exactement de maitresse  par Dalloz Formation en partenariat avec l’AJDI et Mon immeuble.com sous la présidence éclairée de Me Patrice LEBATTEUX.

La présentation du thème de la copropriété 2.0 ou plus précisément la problématique de la dématérialisation des notifications et des mises en demeures contenue dans le décret n°2015-1325 du 21 octobre 2015 fût confiée à Nicolas LE RUDULIER, Maitre de conférences à l’Université d’Angers

Nicolas le RUDULIER, présenta aux nombreux participants une analyse en deux parties, d’une part il fait état de l’impact du décret du 21 Octobre 2015 qui ajoute de nouvelles procédures, modifie la computation des délais , impose des distinctions nouvelles et génère de ce fait de nouvelles interrogations et d’autre part il met en exergue les propositions de nouvelles offres de syndics virtuels qui semblent mettre en avant une délégation quasi systématique des missions du syndic.

Il y a lieu de préciser que l’objectif du décret du 21 Octobre 2015 est d’offrir les moyens de diminuer les coûts liés aux frais d’envoi des convocations d’assemblées générales, de notifications de procès verbaux et de mises en demeure

A cet objectif vient se greffer le phénomène d’ubérisation qui  s’est déjà immiscé dans un certain nombre d’activités,  lequel rôde et s’approche  de plus en plus de l’activité du syndic, tel un fauve guettant sa proie.

La mise en place de ces nouvelles dispositions met en évidence un certain nombre de contraintes techniques.

En effet pour que l’échange dématérialisé puisse être efficace, l’article 1369-8 du code civil impose que le courrier soit acheminé par un tiers selon un procédé permettant d’identifier ce dernier, de désigner l’expéditeur, de garantir l’identité du destinataire et d’établir si la lettre a été remise ou non à celui-ci.

Par ailleurs, l’introduction de la Lettre Recommandée électronique (LRE) emporte également des conséquences à l’égard de la computation des délais.

En effet, comme l’indique Nicolas LE RUDULIER, dérogeant aux articles 668 et 669 du code de procédure civile, le décret du 4avril 2000 a mis fin à la distinction entre la date d’envoi et la date de réception des notifications et mises en demeures en droit de la copropriété.

Désormais poursuit il, l’article 64 du décret de 1967 dispose que :” le délai qu’elles font, le cas échéant , courir a pour point de départ le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire.”

Selon l’auteur, cette disposition demeure inchangée à l’égard de la LR traditionnelle ou de la LR hybride dès lors qu’avec l’utilisation de cette dernière le destinataire est touché à son adresse personnelle.

En revanche concernant la LR entièrement dématérialisée, l’article 64-3 du décret de 1967 vise comme point de départ du délai “le lendemain de l’envoi au destinataire (…)du courrier électronique prévu au premier alinéa de l’article 3 du décret(…) du 2 février 2011”.

Or ce texte comme le précise Nicolas LE RUDULIER, ne vise pas la LRE, mais le courrier électronique qui doit être adressé au destinataire pour l’informer de l’envoi à venir de la LRE, le destinataire disposant alors, d’un délai de 15 jours pour accepter ou refuser cet envoi.

Contrairement à une LAR acheminée par voie postale, ce n’est pas la présentation de la LR elle même qui fait courir le délai, mais simplement le courriel la précédant.

Ainsi comme l’indique l’auteur, qu’il s’agisse d’un envoi traditionnel ou d’un envoi électronique, on retrouve le même délai de 15 jours durant lequel le destinataire a la possibilité de se voir communiquer son pli, qu’il soit physique ou électronique et sans que cette période de 15 jours ne puisse d’une façon ou d’une autre retarder le point de départ du délai conformément à l’esprit du décret de 2000;

Le dernier alinéa de l’article 3 du décret de 2011 indique que au plus tard le lendemain de l’expiration du délai de 15 jours, le tiers chargé de l’acheminement de la LRE doit adresser à l’expéditeur un courrier électronique indiquant notamment la date et l’heure auxquelles le destinataire a accepté ou refusé de recevoir la LRE(ou qu’il n’ a pas fait état de son choix). Ce n’est pourtant pas cette date qui constitue le point de départ du délai mais bien le premier courrier électronique envoyé par le tiers, à défaut, la LRE constituerait une dérogation à l’article 64 du décret de 1967 et permettrait au destinataire de reculer de 15 jours le point de départ du délai en refusant de répondre au premier courriel.

Il y a lieu de préciser selon le professeur LE RUDULIER qu’aucun texte ne fait obligation au prestataire de services d’informer l’expéditeur de la date d’envoi du premier courriel électronique, aussi il appartient aux syndics qui souhaiteraient recourir à cette forme de notification de s’assurer auprès du tiers en charge de l’acheminement qu’une telle information sera bien communiquée.

A la lecture de ce qui précède, nous ne pouvons que partager en grande partie le constat de Nicolas LE RUDULIER qui indique que si la LRE peut assurément conduire à une baisse substantielle des frais d’envoi et ainsi remplir la mission principale qui lui fût assignée, notamment à l’égard des grands ensemble immobiliers, il n’est en revanche pas certain qu’elle constitue la simplification tant attendue.

La copropriété 2.0, la dématérialisation, l’immatriculation des copropriétés notamment avec la création du GIE ID-SDC fondée par Bertrand Werhle-Detroye, constituent les enjeux de demain que les syndics se doivent de prendre en considération afin de justifier de leur rôle essentiel dans la gestion des copropriétés.

Afin de contribuer à la réflexion sur ce thème indispensable que les syndics se devront de maitriser, un prochain colloque sera organisé par PROCOLLOQUIUM sur les différents aspects de la dématérialisation et de ses impacts sur la gestion des copropriétés.

Afin de préparer au mieux le contenu de ce colloque destiné aux professionnels de la copropriété, nous vous invitons à nous communiquer à l’adresse jpdesir@procolloquium.com, les difficultés que vous rencontrez quand à la mise en place de ces nouveaux dispositifs, les points que vous souhaiteriez voir aborder à ce colloque au cours duquel PROCOLLOQUIUM fera intervenir des spécialistes de ces nouvelles technologies à adapter à la gestion des copropriétés ainsi que d’éminents professionnels de la copropriété en vue d’échanger sur la pertinence et l’adaptation de ces technologies à la copropriété.

Votre avis m’intéresse, pour le faire connaitre laissez un commentaire au bas de l’article sur le blog Syndic Pro

Image: tahiti-ingénierie.pf

6 Comments on “La copropriété 2.0 aux Etats généraux”

  1. Et n’oublions pas l’exceptionnel outil que va être le CARNET D’ENTRETIEN NUMERIQUE prévu par la loi LTE ROYAL du 17 AOUT 1015 introduit au dernier moment et dont on attend depuis bientôt un an le Décret d’application…
    La loi dit déjà ce qu’il doit contenir et les professionnels de la gestion immobilière ainsi que les experts en copropriété sont les premiers à savoir ce qu’il devra contenir.
    D’ailleurs quelques starts up que nous connaissons y travaillent mais le défi est de ne pas faire une usine à gaz, ce qui est à craindre si le futur Décret est déconnecté de la réalité ou si les opérateurs informatiques en font trop…
    On espère que les professionnels sont consultés par les pouvoirs publics ce qui n’est pas sur car ils le sont de moins en moins.
    O tempora,o mores…
    C’est en tous cas une autre révolution numérique car cet outil qui devra être facilement accessible aux copropriétaires (c’est le challenge…) contiendra les informations sur le passé, l’actuel et le futur de l’immeuble en vue de maitriser son obsolescence, grand défi des copropriétés d’avenir!
    Les pays anglo-saxons (dont on devrait s’inspirer) maitrisent bien le sujet et tous les jours car les conseils d’administration des « condominiums »y sont habitués…On ne peut y concevoir une administration d’immeuble sans plan pluriannuel par exemple, et sans fonds de travaux consistants…
    La route des copropriétés françaises va être longue pour se mettre à niveau…
    Let’s go !

  2. Aux Syndics, avocats et tous les autres….

    « SI VIS PACEM, PARA BELLUM »

    La route des copropriétés va être longue mais surtout dure.

    « A cet objectif vient se greffer le phénomène d’ubérisation qui s’est déjà immiscé dans un certain nombre d’activités, lequel rôde et s’approche de plus en plus de l’activité du syndic, tel un fauve guettant sa proie. »

    La faute à qui ?

  3. Pardon de parler d’une question simple ! Les États Généraux ont ils eu la possibilité et la volonté de consacrer quelques instants à la modification du texte de l’article 18 de la loi, relative à la résiliation de plein droit du mandat du syndic pour non respect de l’obligation de verser sans délai au compte séparé les sommes reçues au nom et pour le compte du syndicat, et non plus seulement pour n’avoir pas ouvert un compte séparé dans le délai de trois mois ?

    Pour la dématérialisation ? Il me semble que l’on n’a pas avancé beaucoup sur la question primordiale du contrôle de la remise de la notification à son destinataire quand il s’agit d’une personne physique . Suis-je benêt ?

    Sans aucun doute car j’attends encore une définition claire du mot  » ubérisation ».

    Merci à l’avance pour qui voudra m’éclairer.

  4. L’ubérisation, c’est lorsqu’une profession pensant être irremplaçable se trouve mise en difficulté face à une nouvelle offre concurrente plus adaptée à la demande grâce, entre autres, au numérique.
    A l’origine, ce sont évidemment les taxis, avec leurs dizaines de milliers de voitures et chauffeurs, leurs voies réservées, leur exclusivité sur les meilleurs emplacements, etc, et qui se trouvent en difficulté face à une start-up américaine qui ne disposait que d’internet…

    L’ubérisation pour nous administrateurs de biens, c’est déjà par exemple d’AirBnb avec la même arme.
    Pour le syndic, c’est pour bientôt… La loi ALUR a ouvert la possibilité pour les copropriétés de moins de 16 lots principaux, soit la très grande majorité des copropriétés, la possibilité de donner mandat au conseil syndical pour la mise en application et le suivi des travaux et contrats financés dans le cadre du budget prévisionnel de charges. Au conseil syndical ce qu’il aime généralement faire et à un syndic qui somme toute peut-être à l’autre bout du monde, tout l’administratif, de la convocation des AG aux états datés, en passant par la comptabilité ou la gestion des sinistres.
    Cet « Uber » ne sera peut-être pas américain, je l’imagine plus probablement Marocain. Le Maroc dispose d’une réglementation pour les copropriétés très proche de la nôtre, ils parlent français et les infrastructures locales sont excellentes. De nombreux masters 2 très compétents sont disponibles et payés considérablement moins cher qu’en France.
    Pour la tenue de l’assemblée générale, le président de séance peut être connecté sur le logiciel SAAS de son syndic et un gestionnaire disponible à distance (et si nécessaire avec Skype) pourra l’aider en cas de difficulté.
    A ceux qui opposeraient la carte, rien n’interdit d’avoir une SARL, autrement dit une simple boite aux lettres, en France.

    Alors, plutôt que de parler d’un fauve guettant sa proie, revoyons en profondeur l’offre et ne soyons pas des « taxis » comme d’autres parlent de moutons !

    La défiance du législateur à l’encontre de nos métiers portée à son paroxysme par la loi ALUR (c’est évidemment très consensuel) ne doit pas décourager de rechercher un fonctionnement avec nos clients qui correspond à leurs attentes, comme auraient dû d’ailleurs le faire aussi les taxis.

  5. Merci à Gilbert pour cette sage réponse.
    Il faut néanmoins tirer les enseignements de l’histoire. Voyez la dégringolade de la fameuse start-up vantée par les plus brillantes sommités de la médecine pour les analyses les plus approfondies avec une modeste goutte de sang ! Les laborantines étaient promises au chômage. C’est la PDG initiatrice qui va s’y trouver prochainement avec sur le dos des financiers habiles mais dans ce cas floués.

    J’ai la faiblesse d’y joindre le retour de la Légion Étrangère au Larzac !!! Il faut avoir un certain âge pour se remémorer les premières révoltes « écolos » qui ont conduit à l’abandon de ce champ de manœuvres par l’Armée Française. C’est au nom du même pastoralisme que la population applaudit ce jour au retour des képis blancs.

    On parle du numérique à propos de l’ubérisation mais Gilbert évoque à juste titre une arme. Cette arme n’est pas forcément le numérique. Pour l’enseignement français l’arme pédagogique s’accompagne du numérique.

    Ces observations sont parfaitement compatibles avec l’évolution raisonnable des activités les plus diverses et la recommandation aux professionnels de ne pas rester calés dans de confortables fauteuils.

    Le syndic à distance peut être une solution pour les petits immeubles. Mais il ne doit pas s’agit d’une tolérance coupable. Il faut légiférer et donner un régime solide à cette évolution. Présentement si l’immeuble brûle parce que le tableau des services généraux n’a pas été mis aux normes malgré plusieurs alertes, le syndic professionnel et les membres du CS auront à se faire du souci. D’autant que pour les très petites copropriétés les modalités d’assurance sont aimablement fantaisistes avec des parties communes couvertes par les polices individuelles des copropriétaires.

    Au final je continue à voir des non professionnels audacieux et imaginatifs assiéger des professionnels frileux et trop financiarisés pour avoir conservé une réelle compétence, sous les yeux de consuméristes aussi enthousiastes qu’autrefois les révoltés du Larzac.

    La solution finale : elle semble apparaître chez les taxis avec les coopératives dotées d’un règlement interne assez strict ? Au Larzac et autres lieux voisins solution identique avec des institutions collectives du type des anciennes tontines ou autres méthodes d’accès à la terre et/ou aux ovins, caractérisées par un souci prioritaire de la formation des candidats et du contrôle ultérieur de leur gestion. Le numérique y a sa place. La télévision nous informe assez fidèlement de l’évolution de ces structures.

    Pour les syndics ? Gilbert passe un peu vite sur la guerre entre les  » adouls  » (notaires traditionnels) et les notaires modernes. Parmi les français propriétaires au Maroc il me semble que nombreux sont encore ceux qui ne sont pas vraiment titrés. Mes informations sont anciennes et la contradiction sera la bienvenue. Comme en Algérie, les géomètres experts français sont les bienvenus au Maroc, notamment ceux qui pratiquent l’activité de syndic. L’ESPI de Casablanca a connu un bon développement dans les activités immobilières mais en l’état il n’y a pas de mastère 2 propre à la gestion des copropriétés.

  6. En premier lieu, merci à JP Mantelet pour cette réponse argumentée.

    Je ne reviendrais pas sur le Larzac, sujet dont je n’ai que de vagues souvenirs…

    Concernant les syndics à distance, ma réflexion n’était pas de dire que la bonne gouvernance syndicale viendra du Maroc, mais qu’il existe, entre autres dans ce pays, les moyens logistiques pour répondre à une attente de certains copropriétaires de faire autrement, et cerise sur le gâteau, pour moins cher.
    Ma conviction, c’est justement qu’il ne faut pas se voiler la face avec des certitudes telles que des méthodes encore un peu approximatives chez nos voisins ou quelques difficultés juridiques.
    Les taxis ont compté sur cela, ils voient tous leur pactole de départ à la retraite fondre comme neige au soleil.
    N’oublions pas que les hôteliers qui ont refusé de voir que la facilité de réservation est un point essentiel dans le choix d’un hôtel (au moins en déplacement professionnel), désormais beaucoup sont furieux de la « taxe » Booking.com.
    On pourrait aussi parler des banques à distance, mais cette fois-ci c’est un peu différent : les banques ont organisé elles même leur propre concurrence pour éviter l’arrivée de nouveaux opérateurs.
    Il faut donc que la profession de syndic fasse de même et se décide à couvrir, elle aussi, cette offre en urgence pour éviter qu’elle ne nous échappe. Il faut l’associer avec l’atout de la profession : sa couverture nationale.

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